La mort de la presse ? Tant mieux !

La mort de la presse ? Tant mieux !

La presse est en train d’agoniser. Et, entre nous, c’est une excellente chose.

Je tiens à différencier deux aspects très différents du journalisme : l’information et l’analyse. Il est évident que l’analyse n’est pas possible sans l’information. Et, historiquement, obtenir l’information était le plus difficile. C’est pourquoi le journalisme apportait de la valeur en fournissant principalement de l’information. Au point de parfois oublier la composante « analyse ». D’ailleurs, ne parle-t-on pas de consulter « les informations » ?

Le modèle de fonctionnement était le suivant :

Événements -> Correspondants locaux ou envoyés spéciaux -> Agences de presse -> Organes de publications -> Libraires -> Lecteurs

La valeur réelle du journalisme se trouvait dans toute la chaîne, conçue pour transmettre l’information depuis son origine à n’importe quel citoyen. Mais la monétisation n’arrivait qu’à la toute fin, dans les publications payées par le lecteur. Cela a conduit la plupart des journalistes à penser que ce qui avait le plus de valeur était la mission sacrée de la toute-puissante « rédaction » : choisir ce qui était pertinent ou non, la place sur le papier étant limitée.

Pour s’adapter à Internet, la presse a transformé les publications traditionnelles en sites webs. L’idée de base était de ne surtout rien changer et de faire payer une version électronique, un PDF du journal. Génial, on a trouvé un business model et, surtout, rien ne change. On fait même des économies sur le papier. Et sur les libraires. Mais eux, ce n’est pas très important. Tant que la sacro-sainte presse reste entière, pas de soucis.

Événements -> Correspondants locaux ou envoyés spéciaux -> Agences de presse -> Organes de publications -> Internet -> Lecteurs

Sauf que personne ne paie les versions électroniques. Du coup, les sites se sont remplis de pubs. Et qui dit pub dit course au clic. Au lieu de fournir des articles, il est devenu plus intéressant d’attirer le cliqueur avec des titres affriolants, des vidéos de chatons ou des infos peu importantes mais à caractère sensationnel.

Et, tant qu’à faire, exigeons des subsides du gouvernement ou de Google. Parce que, sans blague, le méchant Ninternet fait que les gens n’achètent plus nos journaux. Donc c’est la faute de Google.

Or la réalité est bien plus simple. Aujourd’hui, la chaîne de l’information c’est ça :

Événements -> Témoin équipé d’un smartphone -> Twitter ou Facebook -> Lecteurs

Twitter et Facebook ont remplacé toute la chaîne de l’information. Ce sont les plus grandes agences de presse du monde avec plus d’un milliard de correspondants et la gratuité de rediffusion de dépêches. Simple, non ?

Tellement simple que les journalistes ou les agences refusent de le voir. Mais il n’y a pas plus aveugle et réactionnaire qu’un humain dont le gagne-pain vient d’être rendu obsolète par le technologie. Le fait qu’ils s’en prennent à Google au lieu de Facebook ou Twitter prouve à quel point ils n’ont tout simplement rien compris. Ils s’accrochent à l’ancienne chaîne sans admettre que l’information se transmet sans eux. Pire : ils sont parfois les derniers informés, n’étant plus que des lecteurs comme les autres ! Du coup, ils publient des articles sur des choses que vous avez déjà lues dix fois sur les réseaux sociaux. La valeur du service rendu est donc nul. Économiquement, c’est très logique : dans un monde où l’information est rare, elle a beaucoup de valeur. Dans un monde où nous sommes tous bombardés d’informations, elle a une valeur nulle voire négative. Le métier de « transmetteur d’information » doit donc est repensé de fond en comble.

Bien sûr, l’inertie du public fait que le cadavre est encore chaud et remue. Une entreprise zombie typique. Les lecteurs, surtout les vieux, s’abonnent par habitude aux journaux papiers histoire d’avoir de quoi emballer les pommes de terre. Les internautes vont sur les sites des noms historiques d’organes de presse parce que… pourquoi au fond ? Simple réflexe reptilien. Bref, la presse est une poule sans tête qui continue à courir. Mais elle est bien morte. La preuve ? Les journalistes se sentent obligés de défendre leur métier en disant que seuls les « pros » font du bon boulot et que l’état doit les subsidier et que, économiquement, ça mettrait plein de gens au chômage. Bref, on est dans l’archétype du déni et du processus de deuil. Posez-vous la question : quand votre journal favori a-t-il révélé une information importante qui n’existait pas ailleurs sur le web ?

Honnêtement, cela ne m’attriste pas du tout : profitant de son aura et de son audience, la presse est devenue majoritairement un outil anti-démocratique, inconsciemment au service du pouvoir en place, participant à la peoplisation des élites et fournissant du divertissement abrutissant sous forme de chiens écrasés. Car, oui, la majeure partie de l’information est aujourd’hui du divertissement qu’on consomme à la pause café au boulot car c’est socialement plus acceptable que de jouer à Flappy Bird. Les médias sont détenteurs d’un pouvoir de diffusion arbitrairement centralisé. Ils ne font qu’exploiter une splendeur passée et brandissent l’étendard du contre-pouvoir qu’ils ont été il y a tellement longtemps. Certes, ils ont été utiles quand il n’y avait rien de mieux mais, à l’ère d’Internet, ils sont devenus contre-productifs. Pas d’accord ? Citez simplement les propriétaires des groupes de presse pour vous faire une idée !

Pour les journalistes en mal de recyclage, il reste la voie de l’analyse, de la recherche ou de la curation intelligente. Malheureusement, cela demande un talent et un effort bien plus important. Et la concurrence est rude : n’importe qui peut faire de l’analyse sur le web, même sans diplôme de journalisme. Pire, le contenu produit est tout sauf publicliquable. Il est long, fastidieux à lire. La majorité de la presse vivant grâce à la pub, l’idée de faire de l’analyse a donc été le plus souvent abandonnée. Si vous pensez produire un travail journalistique de valeur, et heureusement il y en a, prouvez-le ! Produisez du contenu et demandez à être payé ! Ou proposez des projets et faites jouer le crowdfunding. C’est simple, non ? C’est exactement ce que des structures comme Mediapart font. Et les gens paient.

Les agences de presse et les rédactions traditionnelles disparaissent ? Je m’en réjouis. Par essence, un contre-pouvoir finit toujours par s’acoquiner avec le pouvoir, à l’incarner et le défendre. À ce moment là, il est nécessaire de trouver un nouveau contre-pouvoir. La fin de la presse traditionnelle ne sera jamais qu’un outil de propagande en moins pour une société de consommation et un système démocratique à bout de souffle. Quand aux journalistes, les plus talentueux n’auront aucun mal à s’adapter. D’ailleurs, certains profitent déjà pleinement de cette nouvelle liberté que leur offre le web. Au fond, il ne reste qu’une question à résoudre : dans quoi va-t-on emballer les patates ?

>>> Source sur : http://ploum.net/la-mort-de-la-presse-tant-mieux/ 

>>> Photo par Florian Plag.

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Tout peut être compris

ou « Passer outre la frontière de l’intelligence »

La barrière de l'intelligence

Le monde est fondamentalement simple mais nous sommes souvent trop pressés pour prendre le temps de le comprendre.

Depuis tout petit, j’ai horreur de ne pas comprendre quelque chose, de ne pas trouver la logique. Pourquoi ne voit-on pas les anges et le paradis lorsqu’on vole en avion ? Comment fait le père Noël pour déposer un cadeau malgré le poêle à bois ? Pourquoi est-ce qu’on ne sent pas le poids d’un avion quand il passe au-dessus de nous vu qu’on m’a expliqué que les ailes permettaient à l’avion de s’appuyer sur l’air ?

Oui, je me posais toutes ces questions. Et bien d’autres. Dès que quelque chose n’était pas logique, pas évident, je cherchais à comprendre le pourquoi. Ce qui me menait, bien entendu, à découvrir d’autres situations illogiques et d’autres questions.

C’est devenu une démarche logique, un questionnement continu qui berce le quotidien au point d’en devenir un réflexe. Un instinct que je croyais universel et qui avait la particularité de ne pas souffrir la défaite: si cela existe, cela peut être compris.

Ce n’est que très récemment que j’ai découvert, avec effroi, que cette façon de penser était très loin d’être répandue. L’acceptation aveugle semble être la norme. Face aux prémisses d’un raisonnement logique, beaucoup baissent les bras : « C’est trop compliqué pour moi ça ! ».

Or, si il est certain que nous ne sommes pas complètement égaux, nous avons tous des capacités, souvent atrophiées mais néanmoins présentes. Si nous ne sommes pas tous capables de terminer un marathon en deux heures, il ne fait nul doute que chacun d’entre nous pourrait courir dix kilomètres, pourvut qu’il suive un entraînement régulier.

Pareillement, je soutiens que nous sommes tous capables de comprendre le monde. Certains nécessiteront peut-être un peu plus de temps que d’autres. Et alors ?

L’entraînement est simplissime. Demandez-vous pourquoi. Tout le temps. Pourquoi les étoiles brillent-elles ce soir ? Pourquoi les gens votent-ils à droite ou à gauche ? Comment la mouche fait-elle pour tourner aussi vite ? Comment le moustique me voit-il dans le noir ? Pourquoi est-ce que je travaille pour faire augmenter un chiffre sur un compte en banque ? Et une fois que vous avez une réponse, questionnez-la tout autant : pourquoi cette réponse ? Et comment savoir si elle est valable ?

Il n’y a ni répit ni repos: le cerveau tourne. Et, comme un entraînement de course à pieds, à la longue, cela devient facile, agréable, addictif. Indispensable.

À chaque fois que l’instinct grégaire dira « Arrête toi pour souffler, c’est trop compliqué », il est temps de sortir la cravache. Mais, avec le temps, c’est le cerveau reptilien lui-même qui se ramollira. Le réflexe de questionnement s’installera.

Bien entendu, tout cela ne va pas sans conséquence. Parfois, il faut réexaminer à la loupe des croyances que l’on pensait définitivement acquises, des endoctriniments profonds et durables. « Comment le père Noël fait-il pour passer à travers le poêle ? » se transforme en « Pourquoi suis-je donc persuadé de l’existence du père Noël ? ».

Ce genre de raisonnement peut se révéler dangereux. Vous remarquerez que, quel que soit le point de départ, vous risquez de vous heurter à la « frontière de l’intelligence ». Cette frontière se manifeste chez la quasi totalité des êtres humains et prend la forme d’une des trois réponses suivantes:
— « Cela a toujours été comme ça ! » (argument de l’ancienneté)
— « Tout le monde fait comme ça ! » (argumentum ad populum)
— « Je suis intimement convaincu de ce fait ! » (argument de la foi)

Ces réponses, qui ne sont jamais que la version adulte du « Parce que c’est comme ça, mange ta soupe et tais-toi ! », sont la marque de la fin du raisonnement logique. Elles signifient que vous n’avez aucune réponse à votre question et que creuser plus loin présente le risque de remettre en question certaines choses. Vous remarquerez que ces justifications n’ont aucune valeur logique. « Non Sequitur ! » disait l’autre.

L’utilisation d’une de ces trois phrases fait toujours jaillir en moi un signal d’alarme. Une lumière rouge s’allume: nous quittons le domaine de l’intelligence.

Notre intelligence est donc bridée par deux obstacles majeurs: le défaitisme et la frontière de l’intelligence. Mais si on n’accepte ni l’un ni l’autre, plus rien ne s’oppose à la compréhension du monde. Tout est logique. Tout est rationnel. Les pièces du puzzle se mettent en place. Tout peut être compris et, au fond, tout est si simple !

Mais, après tout, pourquoi me croire ? Essayez !

>>> Photo par bulbocode909

>>> Source sur : http://ploum.net/tout-peut-etre-compris/

Les Mystérieuses Cités de Plomb

(ou quand le public se fait défenseur du droit moral sur l’oeuvre)

Je ne pensais pas avoir un jour l’occasion de parler des Mystérieuses Cités d’Or sur un blog juridique, mais voilà que la diffusion par TF1 d’une suite de cette mythique série des années 80 m’en donne l’opportunité. Et qui plus est à propos d’une question qui me tient particulièrement à coeur : celle du droit moral et des rapports entre les créateurs et leur public.

cités

Esteban, Zia, Tao… toute une époque !

Le droit moral constitue une prérogative très forte reconnue au bénéfice des auteurs, notamment dans le droit français, qui leur confère notamment la possibilité de s’opposer à des modifications portant atteinte à l’intégrité de leurs oeuvres. Les juges français sont particulièrement attentifs au respect de ce droit, conçu comme un prolongement de la personnalité de l’auteur à travers son oeuvre.

Voilà pour les grands principes, mais il arrive que la réalité s’avère beaucoup plus complexe, et notamment que ce soit le public qui s’élève contre un créateur pour défendre l’intégrité de l’oeuvre. Et c’est précisément ce qui est en train de se passer à propos de la saison 2 des Mystérieuses Cités d’Or, comme l’indique ce billet du Huffington Post.

L’or changé en plomb…

Lancée à grands renforts de promotion comme une suite fidèle à l’esprit de la série culte des années 80, les Cités d’Or 2 ont visiblement fort déçu les fans de la première heure, dont une partie hurle même à la trahison. Remaniée afin de séduire un public plus jeune, la série aurait été infantilisée et aseptisée à l’extrême :

[…] les droits des musiques d’origine (jugées démodées) n’ont pas été rachetés. Les scénaristes japonais et les voix d’origine, comme celle de Jackie Berger (Esteban), ont été mis au placard. Le graphisme a été changé et les personnages, passés à la moulinette 3D, ont maintenant des visages froids, déformés et cireux.

Le caractère de certains héros a été modifié. Zia, réservée et douce, est désormais une fille libérée. Tao, habitué à cacher ses sentiments, pleure dès le premier épisode. La mise en scène a été changée. Américanisée, elle accumule maintenant les clichés hollywoodiens vus et revus : Mendoza saute comme Tom Cruise dans Mission Impossible, les ralentis à la Matrixfusent, le méchant ressemble à Dark Vador…

TF1 et le studio Blue Spirit, en charge de la production de cette suite, ont donc manifestement réussi, par un tour de force alchimique à l’envers, à transformer l’or en plomb en massacrant sur l’autel du formatage un classique du petit écran.

Devant cette dénaturation de l’esprit original de l’oeuvre, les fans se sont mobilisés, déjà pendant la production, par le biais d’une pétition pour que les voix des personnages principaux ne soient pas modifiées, comme le souhaitait TF1. Mais les choses vont à présent plus loin, car une nouvelle pétition a été lancée en juillet sur Facebook pour demander aux créateurs japonais de la série (Mitsuru Kaneko, Mitsuru Majima et Soji Yoshikawa) de reprendre purement et simplement leurs droits, afin de mettre fin au saccage.

cités

Appel aux créateurs japonais de la série.

Si on traduit en termes juridiques ce qui est en train de se produire, on a bien là un public qui demande à des auteurs de faire usage de leur droit moral sur l’oeuvre pour mettre fin à une dénaturation, ce qui bouleverse quelque peu le schéma habituel.

Car en effet, le droit postule que l’auteur est toujours le mieux placé pour défendre sa création. Les juges accordent même en France à l’auteur une sorte de « droit absolu » à juger ce qui constitue ou non une atteinte à son oeuvre, sans avoir à prouver un quelconque préjudice. Or, on voit ici que les choses sont plus complexes et qu’une communauté active de fans peut s’avérer un gardien plus intègre et plus sûrde l’esprit d’une oeuvre…

Le public contre l’auteur, au nom de l’intégrité de l’oeuvre

Cet exemple des Mystérieuses Cités d’Or n’est pas isolé et on peut citer d’autres cas célèbres où des créateurs se sont retrouvés pris à partie par leurs fans, les accusant d’avoir dénaturé leur oeuvre.

L’exemple le plus fameux est celui du conflit qui oppose depuis de nombreuses années Georges Lucas à la communauté des fans de Star Wars. Que ce soit à propos des modifications introduites par le réalisateur dans les rééditions en BlueRay de la première Trilogie ou carrément à propos de l’esprit tout entier de la nouvelle Trilogie, les fans se sont mobilisés contre ce qu’ils estiment être une trahison mercantile de l’oeuvre originale. Le reportage The People vs Georges Lucas paru en 2010 retrace les manifestations de ce véritable phénomène social, qui marque une étape dans l’émergence d’une culture participative caractéristique des mutations introduites par Internet.

Alexis Hyaumet, dans un article excellent (« Georges Lucas vs Star Wars« ) publié sur la plateforme Culture Visuelle, allait même jusqu’à se demander à qui finalement appartenait aujourd’hui Star Wars en tant qu’oeuvre, et il est certain que le récent rachat de la franchise par Disney ne fera qu’exacerber ces crispations :

À qui appartient Star Wars ? Qui en est aujourd’hui légitime après que son maître ait été désavoué par ses disciples les plus fidèles. […] Du fait de son histoire particulière et de son impact culturel mondial qui n’est plus à démontrer, Star Wars est un objet cinématographique hors normes et hors du commun. Victime de son succès, il appartient désormais au plus grand nombre, “il appartient au public” car il fait partie de son histoire culturelle, comme le soulignait Lucas face au Congrès en 1988. Le possessif créateur doit répondre à la demande du peuple qui réclame son œuvre avec une ferveur et un amour sans pareil. Preuve de cela, la quantité incroyable de fan films, de parodies et de montages alternatifs rebelles qui font dissidence, pour montrer à l’inflexible George Lucas d’aujourd’hui que son empire implacable a perdu toute légitimité sur l’univers Star Wars. Il serait temps pour le roi George de reconnaître, d’écouter et de respecter à leur juste valeur tous ses sujets, qui ont entretenu toutes ces années cette mythologie contemporaine, en répondant favorablement à leurs requêtes les plus essentielles. Quoi qu’il en soit, les fans se mobiliseront encore et toujours pour sauver ce qu’était Star Wars à l’origine, afin d’éviter que son propre créateur n’en devienne un jour son fossoyeur.

Un autre exemple significatif, sans doute moins connu que celui de Star Wars, concerne la série anime japonaise Neon Genesis Evangelion. Mettant en scène des combats de robots géants contre des monstres extraterrestres sur un fond d’intrigues mystiques particulièrement complexes, cette série souleva un violent mouvement de protestation chez ses fans, lorsque le réalisateur Hideaki Anno choisit de la faire se terminer en queue de poisson par un épisode complètement en porte-à-faux avec le reste, n’apportant pas les réponses auxquels le public s’attendait. Sous la pression des fans (qui alla jusqu’à des menaces de mort…), le studio Gainax obligea le réalisateur à produire une nouvelle fin sous la forme d’un film d’animation intitulé « The End of Evangelion« . Mais ce dernier est encore profondément imprégné du conflit entre le public et le créateur, car Hideaki Anno s’y livre à un véritable jeu de massacre de ses personnages et des lieux de l’action de la série, comme une sorte de vengeance s’exprimant dans une débauche de violence rageuse…

Plus proche de nous, on peut dire que le fameux épisode 9 de la saison 3 de Game Of Thrones a aussi failli tourner à l’affrontement sanglant entre le créateur, Georges R.R. Martin, et ses fans. En faisant mourir trois des personnages principaux de la saga de manière particulièrement brutale, l’auteur a causé un véritable choc à une partie des spectateurs (alors que l’histoire était pourtant identique dans les romans dont est tirée la série).

Georges R.R. Martin assume entièrement ce choix, qui relève selon lui pleinement de sa liberté de créateur. Mais on a vu des articles fleurir des articles sur la Toile se demandant si l’auteur avait le droit de faire mourir ainsi les personnages… Quelque chose est graduellement en train de changer et Internet n’est pas étranger à cette évolution.

Il existe déjà une théorie de l’abus de droit moral que les juges peuvent opposer à des descendants d’auteurs, mais c’est comme si la conscience collective considérait que cette doctrine pouvait être appliquée aux créateurs eux-mêmes aujourd’hui.

Nombreux sont les montages qui se moquent de la tendance de Georges R.R. Martin à faire mourir les personnages auquel son public tient le plus (cliquez sur l’image pour en découvrir d’autres).

Ce retour du public est un retour aux sources du droit d’auteur

Ces exemples montrent que la question du droit moral sur l’oeuvre est aujourd’hui  bouleversée et que ce fleuron du droit d’auteur à la française ne peut sans doute plus être pensé de la même manière aujourd’hui qu’au siècle dernier.

Il est certain que le numérique et Internet, en mettant le public en situation d’interagir de manière de plus en plus active avec l’oeuvre et son créateur, ont contribué à redéfinir l’équilibre. La formation de communautés de fans en ligne leur donne un sentiment de légitimité dans la défense de l’intégrité de l’oeuvre, y compris parfois contre les titulaires de droits eux-mêmes.

Avec des phénomènes comme le crowdfunding, où le public est directement sollicité pour participer au financement de la création, nul doute que ce sentiment d’ »avoir des droits » sur l’oeuvre ne pourra que se renforcer et qu’il deviendra de plus en plus difficile d’y résister. Sachant par ailleurs que le public a aussi la possibilité par le remix, le mashup ou les fanfictions, de se réapproprier les oeuvres, fût-ce dans l’illégalité, pour les « forker » contre la volonté de leurs auteurs…

Mais en fin de compte, est-ce que ce sentiment de propriété du public sur les oeuvres constitue vraiment une « anomalie » ? Ou n’est-ce pas plutôt la conception romantique d’un auteur tout-puissant, bénéficiant d’un droit absolu sur son oeuvre, qui n’était qu’une parenthèse historique en train de se refermer ? Voyez ce que disait Lechapelier en 1791, auteur de la première loi en France sur le droit d’auteur :

La plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable, et, si je puis parler ainsi, la plus personnelle de toutes les propriétés, est l’ouvrage fruit de la pensée d’un écrivain ; c’est une propriété d’un genre tout différent des autres propriétés. Lorsqu’un auteur fait imprimer un ouvrage ou représenter une pièce, il les livre au public, qui s’en empare quand ils sont bons, qui les lit, qui les apprend, qui les répète, qui s’en pénètre et qui en fait sa propriété.

On répète toujours la première partie de cette citation, en oubliant la seconde, mais il est évident qu’Internet a donné au public les moyens de faire des oeuvres sa propriété. Et lorsque l’on regarde concrètement la manière dont les choses se passent, cette dialectique est une bonne chose, car le public s’avère parfois un meilleur défenseur du droit moral sur les oeuvres que les titulaires de droits eux-mêmes.

PS : si vous connaissez d’autres cas emblématiques de conflits entre des créateurs et leur public à propos de l’intégrité de l’oeuvre, merci d’avance de les indiquer en commentaire ! Cela m’intéresse beaucoup !

>>> Source sur : http://scinfolex.wordpress.com/2013/08/31/les-mysterieuses-cites-de-plomb-quand-le-public-se-fait-defenseur-du-droit-moral-sur-loeuvre/

>>> Conditions de réutilisation : CC0

Qu’est ce qui peut motiver les artistes ?

Suite de ma petite série approchant la thématique artistique, après avoir essayé de trouver les éléments qui pouvaient nous être utile dans cette discipline pour nous motiver.

En parcourant les musées et galeries et en s’intéressant aux histoires souvent passionnantes des artistes qui y sont exposés, on se rend compte à quel point transformer son art en une activité suffisamment rentable pour pouvoir en vivre peut être une tâche de longue haleine, qu’une immense majorité n’arrive même jamais à atteindre.

Comment garder espoir dans ces conditions, comment continuer à avoir envie de poursuivre alors que l’on peut être quotidiennement en difficulté pour vivre ?

Si des artistes arrivent à garder la motivation dans de telles conditions, je me suis dit que leur exemple pouvait sans doute être utile à tous.

Voici quelques idées qui me sont venues en tête, aidées par quelques lectures trouvées sur le net dont cet article très intéressant d’une peintre américaine (en anglais).

  • Se fixer des objectifs
  • Ne pas voir ses outils de travail comme des limites, mais des éléments faits pour alimenter notre créativité
  • Être exigeant… sans exagérer
  • Montrer ce que l’on fait, avoir des retours sur son travail
  • Se connecter avec la communauté
  • Être toujours prêt : noter ses idées partout
  • La passion avant tout !

***

J’espère que cela t’a plu, je t’invite également à aller jeter un oeil à cet article sur la créativité.

N’hésite pas bien sûr à partager tes propres expériences !

 

>>> Source & plus d’infos sur : http://coreight.com/content/motivation-des-artistes

« Chanter sans autorisation » : introduction aux enjeux du libre

This Machine Kills Fascists…

Woody Guthrie (Commons PD)

Quand, dans le Monde diplomatique il est question du numérique en général et du Libre en particulier il y a de bonnes chances pour que l’article soit signé Philippe Rivière (alias Fil) et ce depuis près de quatorze ans.

Il faut dire qu’être l’un des papas de SPIP lui donne une certaine expérience, pour ne pas dire une expérience certaine.

Il a publié en juillet dernier, dans le magazine culturel en ligne Rictus.info, un papier qui synthétise bien la situation et que nous aimerions plus encore faire connaître, d’où cette reproduction.

« Il faut inventer un autre modèle, et pour cela, personne ne sait encore s’il faudra casser l’ancien, ou s’il saura s’adapter. »

« Chanter sans autorisation » : introduction aux enjeux du libre

>>> Source & Suite sur : http://www.framablog.org/index.php/post/2012/09/07/chanter-sans-autorisation-philippe-riviere

ACTA : Victoire totale pour les citoyens et la démocratie !

Le Parlement européen a rejeté ACTA par une large majorité, le détruisant définitivement. Ce rejet constitue une victoire majeure pour la multitude de citoyens et d’organisations connectés qui ont travaillé dur pendant plusieurs années, mais aussi un espoir d’ampleur globale pour une meilleure démocratie. Sur les ruines d’ACTA, nous devons désormais bâtir une réforme positive du droit d’auteur, qui devra prendre en compte nos droits plutôt que les combattre. La victoire contre ACTA doit retentir comme un avertissement pour les législateurs : les libertés fondamentales et l’Internet libre et ouvert doivent prévaloir sur les intérêts privés.

Les citoyens de l’Internet et du monde entier ont gagné ! Par 478 voix contre 39 lors du vote final, les membres du Parlement européen ont tué ACTA une fois pour toutes. Ensemble, connectés au travers d’un réseau de communication décentralisé, nous avons mis en échec ce traité dangereux, négocié en secret par un club d’intérêts privés et de fonctionnaires dogmatiques. La bataille contre ACTA a prouvé à quel point la sphère publique en réseau est devenue cruciale pour l’avenir de nos sociétés et de nos démocraties.

Philippe Aigrain, co-fondateur et conseiller stratégique de La Quadrature du Net, déclare : « Les institutions européennes doivent reconnaître que l’alliance entre les citoyens, les organisations de la société civile et le Parlement européen est au fondement d’une nouvelle ère démocratique en Europe. Les politiques européennes du droit d’auteur doivent désormais être élaborées avec la participation des citoyens ».

La Quadrature du Net tient à remercier chaleureusement et à féliciter tous les citoyens, organisations ou réseaux qui ont œuvré collectivement à cette victoire ! Fêtons-la dignement et tâchons de tirer les leçons de ce succès, afin d’être encore plus forts lors des prochaines batailles !

« Au-delà d’ACTA, nous devons mettre un terme à l’escalade répressive imposant des dispositifs qui mettent à mal Internet et les libertés fondamentales. Les citoyens doivent exiger une réforme positive du droit d’auteur qui permettra d’encourager les pratiques culturelles en ligne, telles que le partage et le remix, plutôt que de les réprimer. La victoire contre ACTA doit marquer le début d’une nouvelle ère dans laquelle les décideurs publics font passer les libertés et l’Internet libre – notre bien commun – avant les intérêts privés » conclut Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’organisation citoyenne.

>>> Source sur : http://www.laquadrature.net/fr/acta-victoire-totale-pour-les-citoyens-et-la-democratie

Lire la suite « ACTA : Victoire totale pour les citoyens et la démocratie ! »

Que reste-t-il de la propriété dans l’environnement numérique aujourd’hui ?

L’institution sociale qu’est la propriété n’a certainement jamais été aussi développée, sophistiquée et protégée. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les formes de propriété immatérielle ou “incorporelle”, comme le dit le Code de Propriété Intellectuelle. La protection de cette propriété n’a jamais été aussi puissante, que ce soit en termes de durée (passage bientôt de la durée des droits voisins d’interprète et de producteur de 50 à 70 ans), de sanctions, ou d’étendue. La propriété sur l’immatériel se décline en de multiples branches : droits d’auteur, droits voisins, droit des bases de données, droit des marques, droit des brevets, droits des dessins et modèles, droit des topographies des semi-conducteurs, droit des obtentions végétales, etc. Ce raffinement permet à certains acteurs de chercher à s’approprier les objets plus improbables : le nombre Pi, les positions du yoga, des os de dinosauresla couleur magentale chant des oiseaux et bien d’autres choses plus incongrues encore ! Cette course à l’appropriation déclenche dans le domaine industriel des guerres farouches, où les titres de propriété intellectuelle remplaçent les missiles, à tel point que l’on a pu dire que l’apparence du dernier né des smartphones de Samsung, le Galaxy SIII, avait été conçue autant par des avocats que par des designers, afin d’éviter les poursuites d’Apple !

 Mimi and Eunice, Par Nina Paley. Copyheart : please copy and share.
Pourtant, d’un autre côté, l’environnement numérique exerce à l’évidence une action corrosive sur la notion de propriété. C’est bien entendu l’effet des moyens technologiques, qui offrent des facilités de reproduction et de diffusion des contenus sans précédent, avec en toile de fond le problème lancinant du partage/piratage. Mais ce n’est pas sous cet angle rebattu que j’ai voulu concevoir cet atelier. J’ai plutôt voulu cibler l’expérience même des internautes et des consommateurs, dans leur rapport avec la propriété des contenus. numériques. En effet, alors même que le passage de la rareté des contenus à leur abondance semble mettre à notre portée en un clic une richesse inégalée de biens immatériels, la propriété que nous pouvons revendiquer sur eux semble se déliter et se dissoudre graduellement. A l’heure du streaming, du cloud computing, de la mobilité, des DRM, des licences d’utilisation, des CGU, que reste-t-il vraiment de la propriété dans l’environnement numérique ?

La culture mammouth

Peut être que dans ce titre y verra-t-on une certaine analogie avec un célèbre parti politique mais récemment, j’ai eu l’occasion de lire que le libre souffrait d’une extinction de ses blogs mais aussi au travers de ce billet et de ses commentaires, d’une certaine répétition et d’un manque de renouvellement de la part de ceux qui revendiquent le libre comme étant une réelle opportunité face au proprio. La vérité dégagé par ce billet est aussi un peu le reflet ironique du même discours que l’on sert depuis plus de 10 ans aux lecteurs tentés par l’expérience Linux. A une époque j’avais découvert le logiciel libre par un organe de presse habituel. C’est par un journal que j’ai pu découvrir quelque chose de présenté à l’époque comme bien plus sécurisé et qui offre à l’utilisateur la possibilité de se faire un environnement sur mesure si j’ai envie de mettre les deux mains dedans. Le hic de ce discours que finalement tout le monde connaît, est qu’il a dix ans et qu’aujourd’hui il est finalement toujours le même et est en train de devenir complètement obsolète. C’est un peu comme si les acteurs des distributions Linux avaient quelque part occulté le fait que :

>>> Source & Suite sur : http://www.lebigorneau.fr/2012/06/20/le-libre-et-ses-mammouths/

 

Ecrire, c’est agir !

Il y a des jours où l’on se demande à quoi bon continuer à enchaîner des billets, à veiller, à réfléchir, à écrire, à creuser, à essayer de propager les idées auxquelles on croit. Il y a des jours où l’on se dit que l’inertie du système est trop forte et que le démon de l’appropriation est une hydre à cent têtes qui repoussent sans arrêt.

Comment combattre cet “Insane Endless Warrior“, comme l’appelle Lawrence Lessig ?

Et puis, il y a des jours où l’on sait exactement pourquoi on écrit et où le sens de l’engagement apparaît de manière lumineuse.

Hier soir était l’un de ces jours, quand j’ai reçu ce tweet de @Pouhiou, par lequel il m’informait qu’il avait décidé de faire passer le site de son projet NoeNaute.fr sous licence CC0 (Creative Commons Zero), le faisant entrer ainsi dans le domaine public par anticipation.  Sa décision s’est concrétisée en partie après avoir lu mon billet “Les bonnes recettes du libre“, publié dernièrement sur OWNI.

>>> Source & Suite sur : http://scinfolex.wordpress.com/2012/05/19/ecrire-cest-agir/

La Culture libre : un chemin pour la réussite ?

Dans les débats concernant le droit d’auteur et l’avenir de la création, la question du financement revient de manière lancinante et l’on remet souvent en cause la capacité des pistes alternatives à assurer aux artistes les moyens de créer, de diffuser leurs productions auprès d’un public et d’en tirer un revenu.

Voici pourtant quatre exemples de  créateurs, ayant fait le choix de la Culture libre, qui démontrent que le système classique du droit d’auteur n’est pas la seule voie pour atteindre le succès à l’heure du numérique.

Quelques bourgeons d’espoir dans cet interminable hiver de la propriété intellectuelle que nous subissons (Just Hanging With Some Buds. Par Sea Turtle. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr)

Du domaine public volontaire aux licences de libre diffusion en passant par le Copyleft, les moyens juridiques mis en oeuvre par ces expérimentateurs sont variés, mais ils mettent tous à profit l’ouverture offerte par les licences libres pour maximiser la diffusion de leurs créations sur les réseaux et entrer dans de nouvelles formes de relations avec leur public.

Ces quatre exemples sont tirés de champs différents de la création : la musique, la peinture, le livre et le cinéma d’animation. Et vous allez voir que contrairement à une autre idée reçue, la qualité est au rendez-vous !

Enjoy, Share, Remix et surtout inspirez-vous !

>>> Source & Suite sur : http://scinfolex.wordpress.com/2012/05/17/la-culture-libre-un-chemin-pour-la-reussite/