En lançant une réflexion sur le « rapprochement » de l’Arcep et du CSA, le gouvernement ressuscite un serpent de mer qui risque de faire des dégâts. Retour sur un projet dont les motivations politiques, culturelles et fiscales sont susceptibles d’engendrer un monstre de la régulation sur Internet.
C’est le gros dossier de la rentrée. Ou merdier, c’est selon les versions : le rapprochement envisagé du CSA et de l’Arcep. Deux autorités, deux “gendarmes”, le premier de l’audiovisuel, le second des télécommunications, unies (ou presque) par les liens sacrés de l’Internet. Pour le meilleur et pour le pire.
La semaine du 27 au 30 août, se déroula la 9e édition de Ludovia, semaine de l’université d’été de l’e-éducation. Un évènement majeur pour le lobbying de Microsoft, qui cible depuis plusieurs années l’Éducation nationale.
Ci-après voici donc « Enquête et infographie » pour tout savoir des campagnes d’influence du marchand de logiciels en direction des écoles de la République.
Bonne rentrée.
Cette 9e édition de Ludovia a réunit professeurs, chercheurs mais aussi politiques, jusqu’au ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon, qui participera à une conférence. Parmi les partenaires de l’événement, Microsoft, le géant américain du logiciel.
En France, la firme de Redmond mène une intense campagne d’influence en direction des acteurs de l’éducation nationale, que nous avons reconstituée dans une [infographie à découvrir au bas de cet article].
La présence de Microsoft à Ludovia résume parfaitement sa stratégie qui consiste à se construire une légitimité pédagogique pour vendre des produits pour le moins controversés – prix élevé, logique propriétaire, volonté hégémonique, qualité contestable.
Les raisons économiques qui ont conduit les fabricants d’appareils médicaux à opter pour des logiciels propriétaires peuvent avoir des conséquences dramatiques, comme l’explique un article de The Economist traduit par Framasoft. Certains chercheurs prônent donc les techniques et modèles open source. Quitte à inquiéter quelques industriels.
La technologie a fait faire à la santé d’extraordinaires progrès. Mais libre ou propriétaire ? Dans le domaine des appareils médicaux pilotés par des logiciels ce choix peut avoir de très lourdes conséquences.
Le pape du logiciel libre a donné une conférence ce jeudi à Paris sur le thème ”Logiciels libres et droits de l’Homme”. Son discours prend une dimension supplémentaire dans un contexte de surveillance croissante des citoyens.
La Mutinerie, ses flamboyantes tentures rouges et son coffre de pirate en guise de table : l’espace parisien de co-working était tout désigné pour accueillir la conférence de Richard Stallman, hacker mythique qui a initié le mouvement du logiciel libre, sur le thème ”Logiciels libres et droits de l’Homme”. Une initiative des ONG la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et Reporters sans frontières (RSF), de leurs amis du cluster de hackers Telecomix, de Silicon Maniacs, avec le soutien de l’agence de communication LIMITE.
Des drones fabriqués en Bretagne pour équiper les opposants syriens, les aider à communiquer entre eux et témoigner des …
En mode automatique, Richard Matthew Stallman, rms pour les intimes, a délivré son laïus habituel, devant un public acquis. Le même depuis presque trente ans, lorsqu’il claqua la porte du laboratoire d’intelligence artificielle du MIT en 1983 pour développer GNU, un OS dont le code est ouvert, en réaction à la logique propriétaire de plus en plus prégnante, gros sous oblige. Un retour à la nature originelle des logiciels puisque, on l’oublie souvent, les programmes ont d’abord été libres par défaut. Dans la foulée, la Free Software Foundation (FSF) est créée pour soutenir le projet.
(deliver Guru (clone SPEECH_FROM_30_YEARS_AGO)
Plus qu’un paramètre technique, l’ouverture du code est pour Richard Stallman une véritable philosophie. Il la résume en trois petits mots qui nous sont familiers, rappelé en ouverture, dans un français impeccable :
Liberté, égalité, fraternité.
Un triptyque d’où découlent quatre obligations, “quatre nouveaux droits de l’homme”, dans une société où l’informatique joue un rôle central : liberté d’utiliser le logiciel, de l’étudier, de le modifier et de le redistribuer. Mais aussi une quadruple obligation que doit respecter un programme pour pouvoir prétendre à une des licences labellisées “libre”.
Stallman est bien sûr agaçant par son côté sectaire, son intransigeance, qui consiste à démonter méthodiquement les outils que la plupart des gens utilisent au quotidien, en ignorant (faisant semblant de ?) que l’utilisateur lambda se contrefiche de savoir que Microsoft a mis des portes dérobées (backdoors) pour modifier Windows, ce “malware universel”, ou qu’il ne peut pas tripatouiller le code, tant que ses besoins sont satisfaits. Lassant encore quand il file, as usual, la petite claque à Linux, l’OS libre à succès développé par Linus Torvalds et la grosse baffe à l’open source, avatar marketé parfois moins pointilleux sur les licences, qui a commis le crime de mettre en avant l’efficience des outils libres plutôt que l’éthique.
Richard Stallman joue d’ailleurs de cette étiquette en tonnant à moult reprises “parlez plus fort, je n’entends pas” (il est sourd comme un pot), ou en endossant le costume de Saint iGNUcius :
Saint iGNUcius, de l’Eglise d’Emacs2
Je bénis ton ordinateur
Nous adorons le seul vrai éditeur d’Emacs
Tu dois prononcer la confession de foi :
Il n’y a aucun autre système que Gnu et Linux est un de ses noyaux
Si l’homme occidental moderne fait furieusement penser au Discours de la servitude volontaire, de la Boétie, c’est somme toute son problème. En revanche, quand la liberté de communiquer, voire des vies, sont en danger, l’argument du “contrôle du logiciel sur l’utilisateur” pèse d’un poids nouveau. Et malheureusement, la surveillance du réseau s’accroit…
Journaliste à France Culture, Xavier de la Porte s’est fendu de la traduction d’un billet récent de Cory Doctorow, activiste, auteur de science-fiction et co-éditeur du site Boing Boing. Publié initialement sur The Guardian puis sur Internet Actu pour la version française, nous rééditons cette réflexion politique et philosophique sur la place des « geeks » dans la marche du monde.
Depuis le début des guerres de l’information, les gens soucieux de liberté et de technologie ont dû naviguer entre deux écueils idéologiques : le déterminisme geek et le fatalisme geek. Deux écueils aussi dangereux l’un que l’autre.
Déterminisme
“Le déterminisme geek consiste à mépriser toute mesure politique dangereuse et bête, toute tentative de régulation abrupte, sous prétexte qu’elle est technologiquement irréalisable. Les geeks qui s’inquiètent du respect de la vie privée méprisent les lois sur l’écoute électronique, les normes facilitant l’écoute légale, et la surveillance des réseaux sous prétexte qu’eux, ils peuvent échapper à cette surveillance.”
“Par exemple, en Europe ou aux États-Unis, la police exige que les exploitants de réseaux insèrent des “portes dérobées” en cas d’enquêtes criminelles. Les geeks en rigolent, arguant que c’est complètement inutile pour les petits malins qui ont recours à la cryptographie pour leurs échanges de mail ou leur navigation sur le web. Mais, s’il est vrai que les geeks peuvent contourner ce type de mesures – et toute autre initiative néfaste de censure, de blocage des outils, etc. -, cela ne suffit pas à nous protéger nous, sans parler du reste du monde.”
“Peu importe que vos échanges mails soient sécurisés si 95 % des gens avec lesquels vous correspondez utilisent un service mail qui comporte une porte dérobée pour l’interception légale, et si aucun des gens avec lesquels vous correspondez ne sait utiliser la cryptographie ; dans ces cas-là, vos mails pourront être lus comme les autres.”
Déformer, détourner, transformer, partager : le remix et le mashup nous enrichissent, à l’image de ces festivals consacrés à ces pratiques amateurs. Jusqu’aux frontières du légal aussi, vu que le droit d’auteur n’a pas été inventé pour amuser la galerie. Entre « droit moral » et « liberté d’expression », choisis ton camp !
Avec un festival qui s’ouvre ce week-end à Paris et une disposition législative innovante en cours d’adoption au Canada, cette semaine va être placée sous le signe du mashup et du remix.
Ces pratiques amateurs emblématiques ont également été à l’honneur lors de la campagne présidentielle, avec les remixd’affiches électorales, de débats télévisés ou de photographies d’hommes politiques. Mais malgré leur développement, elles continuent pourtant à se heurter aux rigidités d’un droit d’auteur mal adapté pour les accueillir.
Petit tour d’horizon des tensions et innovations juridiques en matière de mashup et de remix !
Partage + images = partimages
Ce week-end à partir de vendredi, vous pourrez participer à la seconde édition du MashUp Festival Film, organisée par le Forum des Images. La première édition s’était déjà avérée particulièrement stimulante, avec une exposition vidéo consacrée au phénomène, un marathon de mashup opposant plusieurs équipes pendant deux jours et plusieurs tables rondes, dont l’une avait porté sur les difficultés juridiques soulevées par ces pratiques amateurs.
Car combiner des sons, des images et des extraits de vidéos pour créer une nouvelle oeuvre se heurte en principe aux limites du droit d’auteur, qui interdit que l’on reproduise ou que l’on modifie une oeuvre protégée sans l’autorisation du titulaire des droits, hormis dans le cas d’exceptions limitées comme la parodie ou le pastiche, qui ne sont souvent pas adaptées aux pratiques numériques actuelles.
Cette année pour contourner cette difficulté et organiser un concours de mashup dans un cadre juridique sécurisé, le Forum des Images a eu l’idée de mettre en place un dispositif original, en utilisant les licences Creative Commons.
Contre un Internet policé, choisissons l’Internet polisson ! C’est en gros le message de Pas sage en Seine, festival de hackeurs et amoureux du Net en tout genre, qui partagent pendant quatre jours leur connaissance et leur passion du réseau.
Charges anti-Apple, tee-shirts Telecomix, chiffrement de données et barbes en broussaille : pas de doute, nous sommes bien à Pas Sage en Seine. Trublion reflet du plus institutionnel Futur en Seine, le grand raout numérique organisé en parallèle par la Ville de Paris et la Région Ile-de-France, ce festival donne pendant quatre jours la parole à quiconque souhaite parler d’Internet. Mais de préférence en empruntant les itinéraires bis. Car ici, hors de question de suivre les autoroutes confortables tracées sur le réseau par les mastodontes Apple, Google ou Facebook. Ici, “des gens pas sages du tout rendent visibles, intelligibles et pédagogiques les activités numériques underground ou tout simplement libres.” Pour un résultat gonflé d’impertinence, qui bouscule les standards élaborés par les services que nous utilisons au quotidien sur Internet. Le tout pour notre petit confort. Mais bien souvent au détriment de nos libertés.
La libération des données publiques franchit une étape importante de sa courte existence avec l’avis rendu cette semaine par le Conseil national du numérique. Coincé entre bonne volonté apparente et lacunes flagrantes, l’Open Data à la française semble tergiverser entre le juridique et le politique pour tracer son avenir.
Mais en matière d’Open Data, la dimension juridique est également essentielle et c’est ce que vient de rappeler le Conseil national du numérique (CNNum), en publiant cette semaine un avis [pdf] qui recommande d’apporter des modifications substantielles au cadre législatif français.
C’est aux consommateurs de garantir la neutralité du net. Pas aux institutions. Si les opérateurs limitent l’accès à Internet, Neelie Kroes indique que la Commission européenne n’interviendra que pour améliorer la transparence de leurs offres. Pas plus. Aux consommateurs, ensuite, de bien choisir leur forfait. En apparence, une bonne nouvelle. Qui risque fort de se retourner contre les usagers. Et Internet.
La transparence plutôt que la protection. En ce qui concerne la neutralité des réseaux, Neelie Kroes, la commissaire européenne en charge des questions numériques, se veut très claire :“vous n’avez pas besoin de moi ou de l’Union Européenne pour vous dire pour quel type de forfaits Internet vous devez payer”, peut-on lire sur un billet posté le 29 mai sur son blog. En bref, ne comptez pas sur l’Europe pour protéger ce principe, aux soubassements même d’Internet, qui assure que chaque contenu soit traité de façon égale dans ses tuyaux.
La majorité des sites web français dans l’illégalité
En France, c’est dans l’ignorance la plus totale que la même loi (en fait deux directives et un règlement) dite “Paquet télécom” a été transposée et mise en application il y a presque un an. Elle stipule (c’est la CNIL qui le précise) “qu’il faut, tout d’abord, informer la personne de la finalité du cookie (ex : publicité), puis lui demander si elle accepte qu’un cookie soit installé sur son ordinateur en lui précisant qu’elle pourra retirer à tout moment son consentement“.
Comme l’explique Sophie Nerbonne, directrice adjointe des affaires juridiques à la CNIL :
La loi s’applique à tous les sites notamment aux réseaux sociaux et aux boutons like et tweet des sites partenaires de Twitter et Facebook (pour diffuser un article une vidéo, etc). Par contre, l’obligation de recueil de consentement ne s’applique pas aux cookies liés aux préférences linguistiques, à la mise en mémoire d’un mot de passe, à la résolution d’une vidéo visionnée online, à un cookie flash ou encore à la mémoire relative à un panier d’achat. En effet, ces informations sont directement liées à une demande de l’utilisateur et ont pour finalité exclusive de faciliter la communication.
L’immense majorité des sites web français sont donc également dans l’illégalité la plus totale et risquent des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 300 000 euros.
La transposition en droit français implique qu’au lieu d’avoir des cookies en “opt in”, les internautes doivent être informés par les éditeurs de sites “de manière claire et complète de la finalité de toute action tendant à accéder, par voie de transmission électronique, à des informations déjà stockées dans son équipement terminal de communications électroniques, ou à inscrire des informations dans cet équipement”.
Concrètement, les responsables de plateformes françaises ont l’obligation de placer une bannière sur leur page d’accueil renvoyant à une note qui explique en détail à quoi servent précisément les cookies, d’où ils proviennent et comment faire pour les refuser.
La CNIL, dont le rôle est de faire respecter la loi, doit donc chasser tous les sites qui dans un coin n’ont pas affiché un bordereau ou un moyen d’informer les internautes, ce qui est matériellement impossible. En témoigne Sophie Nerbonne :
Nous savons pertinemment que la majorité des sites sont dans l’illégalité et il faudra évidemment des mois pour trouver les solutions et pour les faire rentrer dans la conformité. C’est compliqué car certains d’entre eux ont aujourd’hui tellement de cookies qu’ils ne savent même plus à quoi ils servent. Sur le plan des moyens, la CNIL peut s’auto-saisir et nous avons déjà procédé à des contrôles et à des mises en demeure même si nous nous montrons compréhensifs. En réalité, nous comptons surtout sur la persuasion et la prise de conscience des internautes et des professionnels quant aux enjeux cruciaux du respect de la vie privée sur le web. Nous comptons également sur le développement prochain des moyens techniques permettant de mettre les sites en conformité
En dehors des plaintes de particuliers concernant certains sites, la CNIL est donc obligée de s’attaquer aux plus gros acteurs sans être aucunement en mesure de faire respecter la loi à court ni même à moyen terme pour les millions de site actuellement hors la loi.