À l’approche des fêtes de fin d’année, je voulais partager avec vous quelques petites vidéos … voici la troisième d’entres-elles :
Bon visionnage.
À l’approche des fêtes de fin d’année, je voulais partager avec vous quelques petites vidéos … voici la troisième d’entres-elles :
Bon visionnage.
Notre ami jcfrog a « encore » publié une petite vidéo très sympathique que je vous invite à découvrir …
… je vous invite également à soutenir & faire connaître les actions de La Quadrature du Net.
>>> Source sur : http://jcfrog.com/blog/we-are-connections-laquadrature/
À l’approche des fêtes de fin d’année, je voulais partager avec vous quelques petites vidéos … voici la seconde d’entres-elles :
Bon visionnage.
Alors que LucasFilm exploite régulièrement ses archives dans les rééditions de Star Wars, un collectionneur a décidé de publier lui-même des images jusque là inédites du tournage du Retour Du Jedi, en s’abritant derrière le droit au Fair Use.
Comment Disney, qui a racheté LucasFilm et sa licence Star Wars, va-t-il réagir ? Comme le signale Big Browser, un heureux collectionneur a pu mettre la main sur un laser disc jusque là inconnu, qui contient 30 minutes de rushs du sixième volet de la saga des Skywalker (le troisième dans l’ordre de sortie), Le Retour du Jedi. Et plutôt que de le garder pour lui, le collectionneur a décidé d’en faire profiter le monde entier, non sans réaliser une étrange opération marketing.
Mis en vente sur eBay à 699 dollars, le disque laser réunit différentes prises de la scène pendant laquelle Yoda confirme à Luke que Darth Vader est bien son père, puis meurt en révélant qu’il existe un autre Skywalker — une scène qui devrait prendre toute importance avec la nouvelle trilogie dont l’épisode 7 sortira en 2015. Même si l’un peut découvrir quelques variations de dialogue et de mise en scène, le disque ne contient a priori aucune scène inédite, mais suffit à soulever l’enthousiasme des fans.
Perdu par LucasFilm, il semble issu des disques exploités par l’entreprise de George Lucas pour faire la démonstration commerciale de sa plateforme de montage numérique EditDroid, lors d’un salon professionnel à Las Vegas en 1984 :
Mais plutôt que de publier une copie intégrale du disque laser, qu’il a dû restaurer pour le rendre lisible, le collectionneur anonyme en fait une exploitation curieuse. Il a en effet promis de publier le contenu par séquences, mises en ligne au fur et à mesure qu’il obtiendra des « likes » sur sa page Facebook. Une véritable démarche marketing qui ne sert pourtant, pour le moment, aucun revenu publicitaire (si ce n’est ceux de Facebook lui-même).
Mettant ses promesses à exécution, le collectionneur a commencé à publier quelques séquences issues du laser disc …
(…)
Mais comment va réagir LucasFilm (ou plutôt Disney), qui a pris pour habitude de fouiller ses archives pour remplir ses innombrables rééditions de la saga Star Wars ? Dans une stricte application du droit d’auteur, le producteur peut réclamer la propriété de ces contenus enregistrés il y a un peu plus de 30 ans. Mais pour tenter de se prémunir par avance de toute tentative de censure, le collectionneur prévient sur chaque vidéo publiée que l‘article 107 du Copyright Act de 1976 autorise le Fair Use, c’est-à-dire les exploitations faites dans le cadre d’une « utilisation équitable ». Il met en avant la valeur historique de ces documents, et leur intérêt public.
Selon cet article 107, « l’utilisation équitable d’une œuvre protégée, y compris l’utilisation par reproduction de copies ou de phonogrammes ou par tout autre moyen indiqué par cet article, à des fins telles que la critique, le commentaire, la publication de nouvelles, l’enseignement (y compris les copies multiples pour utilisation en classe), le savoir, ou la recherche, ne constitue pas une violation du droit d’auteur« .
>>> Source & plus d’infos ( & les vidéos) sur : http://www.numerama.com/magazine/27349-30mn-inedites-de-star-wars-a-l-epreuve-du-droit-d-auteur.html
J’ai déjà eu l’occasion de parler récemment du revenu de base, dans un billet consacré à la rémunération des amateurs, mais je voudrais aborder à nouveau la question en lien avec un autre sujet qui m’importe : le domaine public.
A priori, il semble difficile de trouver un rapport entre le revenu de base et le domaine public, au sens de la propriété intellectuelle – à savoir l’ensemble des créations qui ne sont plus ou n’ont jamais été protégées par le droit d’auteur.
Revenu de base, revenu de vie, revenu inconditionnel, dividende universel, salaire à vie, etc : ces différentes appellations renvoient (d’après Wikipedia) au concept d’un « revenu versé par une communauté politique à tous ses membres, sur une base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie« , tout au long de leur existence. La mise en oeuvre d’un tel projet est susceptible d’entraîner des transformations très profondes du système économique, parce qu’il déconnecte le revenu et l’emploi. Elle modifierait notamment notre rapport au « temps libre » (otium), en augmentant notre capacité à nous consacrer bénévolement aux tâches qui nous semblent en valoir la peine.
Human reasons to work by freeworldcharter.org
L’idée peut paraître doucement utopique, mais la présentation ci-dessous par Stanislas Jourdan, un des militants français les plus actifs en faveur du revenu de base, vous permettra de mieux vous familiariser avec ce concept, ainsi qu’avec ses différentes modalités concrètes de mise en pratique. Vous verrez qu’il possède une longue histoire et qu’il est défendu par de nombreux acteurs, de tous bords politiques.
Le domaine public comme fondement du revenu de base ?
Jusqu’à présent, j’avais commencé à m’intéresser au revenu de base, comme une des pistes possibles pour le financement de la création, susceptible d’accompagner une réforme en faveur du partage non-marchand des oeuvres sur Internet. C’est sous cette forme que le revenu de base figure dans le programme proposé par La Quadrature du Net(à côté d’autres formes de financement mutualisés, comme la contribution créative ou le crowdfunding), ainsi que dans celui du Parti Pirate.
Mais en approfondissant la question, on se rend compte que la notion de domaine public, compris comme bien commun de la connaissance, est souvent avancée comme un des fondements possibles du revenu de base :
L’allocation universelle peut aussi être justifiée comme un dividende monétaire ou crédit social reçu par chacun lié à la propriété commune de la Terre et à un partage des progrès techniques…
Un billet, paru récemment sur le site Revenu de base et intitulé « Nous profitons tous du travail des morts« , détaille cette idée selon laquelle un revenu devrait être versé à tous au titre d’une propriété partagée du savoir :
Si l’ingénieur ou l’ouvrier d’aujourd’hui ont un salaire trois fois supérieur respectivement à l’ingénieur et à l’ouvrier des années 1950, serait-ce parce qu’ils produisent chacun 3 fois plus de richesse que leur homologue des années 1950 ? Et si oui, serait-ce parce que le travailleur d’aujourd’hui est trois fois plus travailleur, trois fois plus ingénieux et donc trois fois plus méritant que le travailleur d’hier ?
Il faut répondre oui à la première question et non à la deuxième. Oui le travailleur d’aujourd’hui est trois fois productif. Mais non, ce n’est pas lié à son propre mérite, au fait qu’il travaillerait trois fois plus ou qu’il serait trois fois plus ingénieux.
Si l’ingénieur et l’ouvrier sont plus productifs, c’est justement grâce au travail que leurs homologues ont réalisé depuis les années 1950 : grâce aux routes, aux chemins de fer et autres infrastructures construites depuis lors, aux machines qui font gagner du temps au travailleur et qui ont été mises au point et fabriquées par les travailleurs du passé, et surtout grâce aux savoirs et aux innovations réalisées par les scientifiques et les inventeurs depuis plus de deux siècles.
[…] ces savoirs et ce capital physique sont un capital commun qui ne saurait être approprié par une minorité sans compensation versée aux autres. Cet argument rejoint celui de Thomas Paine, pour qui l’accaparement des terres productives par des producteurs capitalistes en Angleterre entre le XVIème et le XVIIIème siècle (le mouvement des enclosures) doit donner lieu à une compensation versée à tous, la terre étant un bien commun.
On se situe ici davantage sur le terrain de la propriété industrielle (les inventions et les procédés techniques) que sur celui de la propriété littéraire et artistique (les oeuvres de l’esprit et les créations qui forment au fil du temps le patrimoine culturel). Mais dans un autre article plus ancien, intitulé « Pourquoi les pirates devraient défendre le revenu de base« , Stanislas Jourdan fait un lien plus précis entre le projet de dividende universel et la notion de domaine public, au sens de la propriété intellectuelle :
Les Pirates dénoncent la prétendue évidence selon laquelle le piratage serait néfaste à la culture. Ils dénoncent aussi les lois Hadopi et autres, qu’ils estiment inefficaces et surtout liberticides. Mais il y a quelque chose de plus puissant encore derrière leur justification du partage de la culture.
Le fondement philosophique qui justifie l’idée que les œuvres devraient être réutilisables et partageables, c’est que la création même de ces œuvres repose sur d’autres créations antérieures relevant souvent du domaine public ou simplement d’influences d’autres artistes. De fait, les protections actuelles que confèrent la propriété intellectuelle constituent en réalité un droit illimité d’exploitation mercantile de tout un champ de ressources relevant du domaine public et d’autres œuvres non rémunérées. Le système profite ainsi à une minorité tandis que la majorité des auteurs sont oubliés.
Le revenu de base part du même principe : aucun entrepreneur ne peut prétendre créer de valeur tout seul dans son coin. En vérité, tout ce qu’une entreprise ou un individu crée, il le fait en se reposant sur des productions antécédentes ou parallèles qu’il exploite souvent gratuitement.
Ce raisonnement rejoint de nombreuses analyses que j’ai pu développer dans ce blog depuis des années à propos du processus de la création. Toute création intellectuelle s’enracine dans un fonds pré-existant de notions, d’idées et de références pré-existantes qui en forment la trame et que le créateur va synthétiser et « précipiter » pour produire son oeuvre, en leur imprimant une marque particulière. Chaque écrivain, chaque peintre, chaque musicien est profondément tributaire des créateurs qui l’ont précédé et toute oeuvre par définition peut être considérée comme un remix. Pierre-Joseph Proudhon, dans les Majorats littéraires, tenait déjà en 1868 un discours similaire :
Voilà un champ de blé : pouvez-vous me dire l’épi qui est sorti le premier de terre, et prétendez-vous que les autres qui sont venus à la suite ne doivent leur naissance qu’à son initiative ? Tel est à peu près le rôle de ces créateurs, comme on les nomme, dont on voudrait faire le genre humain redevancier.(…) En fait de littérature et d’art, on peut dire que l’effort du génie est de rendre l’idéal conçu par la masse. Produire, même dans ce sens restreint est chose méritoire assurément, et quand la production est réussie, elle est digne de récompense. Mais ne déshéritons pas pour cela l’Humanité de son domaine : ce serait faire de la Science, de la Littérature et de l’Art un guet-apens à la Raison et à la Liberté.
Le droit d’auteur et la propriété intellectuelle en général ont pour effet de dissimuler cette « dette » que tous les créateurs ont vis-à-vis de leurs anciens, en liant le bénéfice de la protection à la création d’une oeuvre de l’esprit « originale« . A l’origine, la durée relativement courte des droits (10 ans seulement dans la première loi en France sur le droit d’auteur) garantissait l’équilibre du système et faisait en sorte que le monopole temporaire reconnu à l’auteur restait l’exception par rapport au domaine public, qui était l’état « naturel » de la création et de la connaissance.
La dérive du droit d’auteur au cours des 19ème et 20ème siècle, avec l’extension continue de la durée des droits, a provoqué une forme d’expropriation du domaine public au profit d’acteurs (de plus en plus éloignés des auteurs) qui ont pu accaparer cette valeur à titre exclusif. La situation est si dégradée actuellement que par le biais du copyfraud, le domaine public fait l’objet d’attaques répétées qui en réduisent continuellement l’étendue et la portée. Pour reprendre les mots de Proudhon, l’Humanité s’est fait déshériter de ce qui lui appartenait. Disney par exemple a pu puiser sans vergogne dans le fonds des contes du domaine public pour bâtir son succès, mais il a exercé par la suite un lobbying extrêmement puissant pour étendre la durée des droits par le Mickey Mouse Act et neutraliser ainsi le domaine public pendant des décennies aux Etats-Unis. Ainsi fut brisé un élément fondamental du Contrat Social.
Entre les défenseurs du domaine public et ceux du revenu de base, on retrouve donc cette même idée que chaque génération contribue par sa créativité propre à enrichir le patrimoine commun de l’Humanité, mais qu’aucune d’entre elles, ni aucun groupe ou individu en son sein, ne peut prétendre s’arroger une propriété définitive sur ces richesses. Ce principe de justice temporelle est très bien exprimé par Stéphane Laborde, auteur d’une Théorie Relative de la Monnaie, par le biais du concept d’un flux temporel humain, dont on doit prendre conscience pour comprendre pleinement la philosophie du revenu de base :
[…] la tentation est grande pour les vivants de s’arroger des droits de propriété excessifs sur l’espace de vie, violant ainsi les libertés de leurs successeurs. L’histoire est pleine de ces violations des principes fondamentaux, qui conduisent inévitablement à des insurrections à terme.
Le domaine public exprime l’idée que nous possédons tous à titre collectif des droits positifs sur la Culture, comme le dit Philippe Aigrain. Pour compenser la spoliation dont nous faisons l’objet du fait de la propriété intellectuelle, il est juste que chacun reçoive à vie un revenu de base pour assurer sa subsistance et lui permettre de participer à son tour à la création.
Si le domaine public, entendu comme bien commun de la connaissance, peut être considéré comme un fondement possible pour le revenu de base, on peut se demander si l’inverse n’est pas également vrai : l’instauration du revenu de base ne doit-elle pas être considérée comme la condition d’existence d’un véritable domaine public ?
Cette idée, a priori assez surprenante, a été récemment formulée par l’auteur et blogueur Thierry Crouzet, dans un billet intitulé : « Le revenu de base comme jardin d’Eden« . Dans ce texte, Thierry Crouzet interpelle différentes communautés : développeurs de logiciels libres, militants des biens communs, adeptes du crowdfunding, etc, pour essayer de leur faire prendre conscience qu’aucune modification en profondeur du système n’est possible, tant qu’un revenu de base n’est pas instauré.
Concernant le logiciel libre par exemple, il tient ces propos, assez décapants :
Sans monnaie libre reposant sur un revenu de base, il ne peut exister de logiciel réellement libre. Sans monnaie libre, les développeurs dépendent pour leur subsistance d’une monnaie privative telle que l’euro. Une économie du partage n’est possible que grâce à des monnaies équitablement partagées, et crées. La priorité de tous les développeurs devrait être de mettre au point la technologie ad hoc, plutôt que de perdre du temps à cloner des produits commerciaux.
Et il ne se montre pas plus tendre avec le crowdfunding par exemple :
Cette technique de financement par le don communautaire restera marginale. Elle profite avant tout aux créateurs de plateformes, qui ponctionnent les échanges, et qui dans leur plan marketing se pressent de mettre en évidence quelques success-stories. Mais une société ne repose pas que sur des stars. Son économie doit profiter à tous. Le crowdfounding n’a aucune chance de fonctionner à grande échelle dans un système monétaire reposant sur la rareté.
A la fin de son billet, il ajoute un passage, qui fait le lien avec le domaine public, en appelant ces différentes communautés à agir de concert :
Communiquer est le maître mot. Et il faut commencer, dès à présent, entre des acteurs de champs encore disjoints, mais qui n’engendreront des transformations profondes que les uns avec les autres. Pas de libre, de domaine public, de gestion sereine des biens communs, sans revenu de base et réciproquement. S’enfermer, refuser la transversalité, c’est encore une fois se condamner et faire le jeu des apôtres de la rareté.
A la première lecture, ce point de vue peut paraître difficilement compréhensible, car le domaine public semble exister indépendamment du revenu de base. Au bout d’une durée de principe de 70 ans après la mort de leur créateur, les oeuvres entrent automatiquement dans le domaine public, revenu de base ou pas.
Mais peut-on dire encore que le domaine public existe réellement aujourd’hui, autrement que comme un concept théorique ? Comme j’ai eu l’occasion si souvent de le déplorer, il est extrêmement difficile de trouver du domaine public « à l’état pur », réellement réutilisable sans restrictions, notamment sous forme numérique. L’essentiel des acteurs impliqués dans la numérisation du patrimoine, qu’ils soient privés comme Google ou publics, comme les musées, bibliothèques ou archives, profitent du passage sous forme numérique pour faire renaître des droits sur le domaine public, ce qui équivaut à une forme d’expropriation conduisant morceau par morceau au démantèlement de la notion.
Philippe Aigrain explique pourquoi ces comportements privateurs pervertissent complètement le sens de l’acte de numérisation :
Ce n’est que dans un univers totalement absurde qu’un simple transfert ou une capture numérique aboutirait à une résultat qui lui ne serait pas dans le domaine public. Le coût de la numérisation ou les précautions nécessaires n’y changent rien. Au contraire, c’est lorsqu’une œuvre a été numérisée que la notion de domaine public prend vraiment tout son sens, puisqu’elle peut alors être infiniment copiée et que l’accès ne fait qu’en augmenter la valeur. L’acte de numérisation d’une œuvre du domaine public est un acte qui crée des droits pour tout un chacun, pas un acte au nom duquel on pourrait nous en priver.
Les seules structures qui respectent intrinsèquement l’intégrité du domaine public ne sont ni privées, ni publiques. Elles sont du côté des communautés attachées à la construction et au maintien de biens communs numériques. Il s’agit de projets portés par des organisations à but non lucratif, comme la fondation Wikimedia, Internet Archive ou le projet Gutenberg, qui s’attachent à diffuser la connaissance sans l’encapsuler sous de nouvelles couches de droits.
Or ces structures, si l’on observe bien leurs principes de fonctionnement, ne peuvent développer leur action que si des communautés d’individus décident de contribuer bénévolement à leurs projets, en y consacrant de leur temps et de leurs compétences. Ces organisations restent donc dépendantes d’une économie de la contribution, qui ne pourra véritablement exploser que si les individus sont à même de consacrer leur temps libre aux causes qu’ils soutiennent. Et c’est ici que l’on retombe sur le revenu de base, car c’est sans doute la seule solution pour permettre à ces structures de passer à l’échelle en ce qui concerne la numérisation du domaine public. Pourtant la technologie permettrait sans doute déjà de décentraliser l’effort de numérisation au sein de petites unités, travaillant de manière collaborative, sur le modèle des FabLAbs ou des HackerSpaces.
En l’absence d’une telle réforme de grande ampleur, des organisations comme la fondation Wikimedia, Internet Archive ou le projet Gutenberg sont condamnées à n’avoir qu’une action à la marge, certes utile, mais insuffisante pour modifier le système en profondeur. Leurs moyens financiers restent tributaires des dons que les individus peuvent leur verser ou des dotations de grandes entreprises-mécènes, ce qui les maintient dans la dépendance du système global.
En ce qui concerne le domaine public, l’action de ces structures est bien entendu fondamentale, mais l’essentiel de l’effort de numérisation lui-même reste le fait des Etats ou s’opère de plus en plus dans le cadre de partenariats public-privé. Avec la crise financière que nous traversons, de moins en moins d’Etats seront enclins à consacrer des fonds à la numérisation de leur patrimoine. S’ils le font, ils chercheront à mettre en place des retours financiers, en portant atteinte à l’intégrité du domaine public. Et les partenariats public-privé conduiront également à un résultat désastreux, comme l’a bien montré l’exemple catastrophique de la BnF. Le secteur public, tout comme le privé, est imprégné d’une logique propriétaire, qui le transforme en un danger mortel pour le domaine public lorsqu’il oublie le sens de sa mission.
Pour sortir de la spirale actuelle, il faudrait que les actes de numérisation eux-mêmes puissent être pris en charge par des structures dédiées à la production de biens communs de la connaissance. Certains envisagent la mise en place de Partenariats Public-Communs pour remplacer les partenariats public-privé et il s’agit sans doute d’une idée féconde à creuser. Internet Archive prend déjà en charge une partie de la numérisation des oeuvres du domaine public, tout comme les communautés d’utilisateurs dans le cadre du projet Gutenberg ou de Wikisource transcrivent collaborativement les textes anciens. Mais les résultats atteints aujourd’hui correspondent seulement à une portion limitée, comparé à la masse des oeuvres du domaine public qu’il resterait à faire passer sous forme numérique.
Seul un passage à l’échelle de l’économie de la contribution permettrait à de tels partenariats Public-Communs d’émerger, mais on voit mal comment cela pourrait être possible sans l’avènement d’un revenu de base.
Deux exemples récents semblent assez révélateurs des limites du système actuel et de la nécessité de coupler le combat pour la défense du domaine public à celui en faveur du revenu de base.
Le mois dernier, la fondation Internet Archive a par exemple annoncé qu’elle allait désormais rémunérer certains de ses employés en BitCoins et l’organisation a appelé à ce qu’on lui verse des dons dans cette monnaie alternative. Cette évolution est très intéressante, car elle montre comment une structure tournée vers la gestion d’un bien commun numérique peut tirer partie d’un système de monnaie décentralisée comme Bitcoin.
Bitcoin constitue un dispositif de création monétaire en P2P qui montre qu’une monnaie peut émerger en dehors de l’action des Etats. Acceptée par WordPress et même par des marchands de pizzas, elle peut être vue comme une brique intéressante pour bâtir une économie des biens communs. Mais beaucoup d’observateurs, dont Stéphane Laborde et Stanislas Jourdan que j’ai déjà cités plus haut, mettent en garde contre le fait que le projet BitCoin possède beaucoup de défauts et n’est qu’une sorte de succédané à un revenu de base, qui ne peut être assis que sur une monnaie libre. Pour un acteur comme Internet Archive, BitCoin peut constituer temporairement un appoint en complément des dons classiques qu’il reçoit. Mais fondamentalement, une telle structure aurait bien plus intérêt à ce qu’un revenu de base soit instauré.
Un autre exemple tiré de l’actualité récente met en lumière également le lien entre le domaine public et le revenu de base. L’Open Knowledge Foundation a lancé en 2011 un projet excellent intitulé The Public Domain Review. Il s’agit de favoriser la redécouverte de trésors du passé numérisés, par le biais d’articles de présentation. Cette démarche de médiation est cruciale pour faire en sorte de replacer les oeuvres du domaine public sous les feux de l’attention, en les réinjectant dans les flux et les réseaux. De ce point de vue, le travail accompli par The Public Domain Review est remarquable, mais il n’est bien sûr pas gratuit et l’initiative n’a pu se lancer que grâce au financement initial par une fondation.
Arrivé au bout de ce premier apport, The Public Domain Review est contraint de lancer un crowdfunding pour pouvoir continuer à exister. Le site a besoin de 20 000 dollars pour tenir jusqu’en 2014 et il fait appel à la générosité des internautes pour pouvoir rassembler cette somme. Sans doute, The Public Domain Review va-t-il réussir à atteindre cet objectif, mais comme le dit plus haut Thierry Crouzet, le crowdfunding n’est pas une solution miracle. Dans une société sans revenu de base, il ne peut avoir qu’un impact marginal, puisque les capacités de financement des individus restent toujours limitées par la rareté de la monnaie.
Le travail d’éditorialisation accompli par The Public Domain review est intéressant, mais il ne représente qu’une goutte d’eau par rapport à l’océan des oeuvres du domaine public qu’il faudrait mettre en valeur. Si le revenu de base existait, les individus disposeraient d’une marge de manoeuvre beaucoup plus grande pour financer de tels projets par le biais du crowdfunding ou pour y contribuer directement en donnant de leur temps. Sans cela, l’action n’est-t-elle pas condamnée à rester symbolique ?
Cette réflexion sur les liens entre le revenu de base et le domaine public me paraît fondamentale.
Jusqu’à présent, je me suis battu pour le domaine public essentiellement sur un plan légal. J’ai proposé en ce sens une Loi pour le Domaine Public, qui aurait pour effet d’empêcher que des enclosures ne soient posées sur ce bien commun de la connaissance. Une telle réforme aurait à n’en pas douter un effet bénéfique de protection, mais il est clair que ce combat ne peut se limiter au seul terrain du droit et qu’il faut le croiser avec d’autres, pour qu’émergent les conditions de possibilités d’un passage à l’échelle de l’économie collaborative.
Récemment, j’ai participé à un atelier organisé par Hack Your Phd et Without Model autour du thème « Quel modèle économique pour une bibliothèque libre et ouverte ? ». L’exercice était intéressant, mais il a surtout montré deux choses. Si l’on veut que le résultat de la numérisation reste bien libre et ouvert, en respectant l’intégrité du domaine public, il faut que les Etats en assument le financement sans demander de contreparties, ce qui est problématique dans le contexte actuel. L’autre voie consiste à faire appel aux contributions volontaires, mais en l’état, elles paraissent insuffisantes au regard de la tâche immense à accomplir. La Bibliothèque libre et ouverte se heurte à une impasse.
Jusqu’à présent, je restai assez dubitatif concernant l’idée d’un revenu de base, car je pensais qu’il fallait nécessairement que ce soit les Etats qui le mettent en place, et les chances qu’un tel projet soit voté me paraissaient infimes. Une initiative citoyenne européenne en faveur du revenu de base a cependant été lancée en janvier 2012 et elle vient de recevoir le feu vert de la Commission européenne pour récolter un million de signatures.
Mais l’exemple de BitCoin prouve que les Etats peuvent en fait être contournés, par l’émergence d’une monnaie complètement décentralisée et créée entre pairs. Stéphane Laborde a lancé un projet nommé OpenUDC, qui permettrait de mettre en place un dividende universel sur la base d’une monnaie véritablement libre.
Pas de revenu de base sans domaine public, mais pas de domaine public sans revenu de base. C’est la conclusion à laquelle j’arrive et il est sans doute temps d’étendre le domaine de la lutte…
>>> Source sur : http://scinfolex.com/2013/03/09/du-domaine-public-comme-fondement-du-revenu-de-base-et-reciproquement/
>>> Licence : CC0 (Domaine Public)
Nous y sommes enfin. Ou presque. L’éducation libre, ouverte, gratuite, interactive, partagée.
En réalité, tout est déjà prêt depuis de nombreuses années, mais l’idée semble avoir furieusement envie de se généraliser, et elle va même débarquer en France, pays où le sujet de conversation principal concernant l’enseignement semble être l’épineuse mais sans doute futile question des horaires de classe.
Tu risques de beaucoup entendre parler d’un nouvel acronyme certes un peu barbare : les MOOC (prononcé « mouc »), ou Massive Open Online Course, soit en français cours en ligne ouverts et massifs.
Des cours dispensés en ligne, même par les plus prestigieuses universités, suivis parfois par des centaines de milliers de personnes au même moment partout à travers le monde, et surtout… entièrement libres et gratuits.
Nous le savons déjà, une bonne partie de la connaissance humaine est disponible sur notre bel Internet. Encore faut-il la trouver sous une forme digérable par le commun des mortels. Avoue que ce n’est pas toujours simple.
Quelques internautes ambitieux se sont pourtant donnés pour objectif de faciliter le travail de leurs congénères. Je me souviens des débuts d’un petit site monté par deux (très) jeunes entrepreneurs français, qui expliquait comment coder et mettre en ligne un site web de A à Z, avec des mots simples, des exemples drôles, et une communauté sympathique gravitant autour.
J’ai avalé des pages et des pages de ces cours, n’ayant jamais l’impression d’une quelconque contrainte, et les modestes compétences que je possède aujourd’hui qui me permettent de bricoler sur Internet me viennent toutes de ce genre de site.
Il s’appelait le Site du Zéro, et il n’a pas cessé de grandir, touchant à des thématiques de plus en plus variées, sortant même du web pour proposer ses propres ouvrages en bon vieux papier.
Comme un signe de la mutation éducative qui est en train de se produire, le site vient de changer de nom récemment, pour OpenClassrooms, démontrant ses ambitions de toucher un public encore plus large que les simples débutants, de se lancer sérieusement à l’échelle internationale, et de montrer sa dimension communautaire.
(…)
Certains semblent en tout cas en être persuadés.
J’ai trouvé chez le grand Jérôme Choain (aka JCFrog) une vidéo de Christine Vaufrey, à l’origine du premier MOOC français, ITYPA (acronyme de « Internet, Tout Y est Pour Apprendre »)
Je t’invite à visionner la vidéo (…)
Que les professeurs qui se démènent pour leurs élèves ne s’inquiètent pas trop, il ne s’agit pas de remettre en cause leurs compétences et leurs savoir-faire . Mais au contraire de leur donner les moyens de toucher une cible plus large, plus motivée, plus intéressée, de favoriser les interactions entre leurs élèves.
>>> Source & plus d’infos sur : http://coreight.com/content/mooc-education-revolution
Un système monétaire basé sur un RdB fait converger les différences économiques sans besoin d’établir une course fiscale entre un lièvre et une tortue. Démonstration en vidéo :
Suite à la vidéo précédente qui expliquait quantitativement le phénomène de convergence, nous abordons dans cette nouvelle vidéo l’approche relativiste complète qui consiste à changer d’unité monétaire pour passer à l’unité relativiste : le Revenu de Base.
On peut noter cette unité monétaire RdB, mais si on veut faire référence à une masse monétaire précise, et donc aussi aux citoyens concernés par leur monnaie commune, je propose de la noter sous la forme suivante : B suivi du nom de la monnaie positionnée en indice.
Pour conclure sur les notions de convergence et d’unité monétaire libre vues dans les posts précédents, une vidéo qui reprend rapidement les concepts abordés en établissant la simple différence de référentiel entre le quantitatif et le relatif, et l’enrichit d’un exemple comportant un échange économique monétisé, où l’on découvre visuellement la parfaite symétrie temporelle entre les acteurs d’une monnaie libre.
On y comprend tout aussi aisément que sans rien prendre à personne, et bien que le crédit soit immuablement alloué à tout homme présent ou futur, que l’on obtient qu’il n’y a aucune inflation possible en comptabilité relative.
Clic droit pour télécharger la vidéo
Enfin, en téléchargement, le fichier Libre Office calc ayant été utilisé pour réaliser cette vidéo, afin que vous puissiez l’utiliser pour travailler le sujet.
>>> Sources & plus d’infos :
Ma femme a eu la joie de recevoir sa première fiche de paie depuis sa récente embauche. Et comme une grande majorité d’entre nous, elle n’y comprend rien.
Une bonne occasion de ressortir ce tutoriel de Franck Lepage et Gaël Tanguy qui t’expliquent avec pédagogie et un brin d’humour une vision pointue de la chose.
(la video devrait démarrer au bon endroit, si ce n’est pas le cas, se rendre à la 53eme minute)
La vidéo en entier / Une production de Le Pavé qui est une scop
>>> Source sur : http://jcfrog.com/blog/comprendre-sa-fiche-de-paie-tuto-inculture/
Je ne pensais pas avoir un jour l’occasion de parler des Mystérieuses Cités d’Or sur un blog juridique, mais voilà que la diffusion par TF1 d’une suite de cette mythique série des années 80 m’en donne l’opportunité. Et qui plus est à propos d’une question qui me tient particulièrement à coeur : celle du droit moral et des rapports entre les créateurs et leur public.
Esteban, Zia, Tao… toute une époque !
Le droit moral constitue une prérogative très forte reconnue au bénéfice des auteurs, notamment dans le droit français, qui leur confère notamment la possibilité de s’opposer à des modifications portant atteinte à l’intégrité de leurs oeuvres. Les juges français sont particulièrement attentifs au respect de ce droit, conçu comme un prolongement de la personnalité de l’auteur à travers son oeuvre.
Voilà pour les grands principes, mais il arrive que la réalité s’avère beaucoup plus complexe, et notamment que ce soit le public qui s’élève contre un créateur pour défendre l’intégrité de l’oeuvre. Et c’est précisément ce qui est en train de se passer à propos de la saison 2 des Mystérieuses Cités d’Or, comme l’indique ce billet du Huffington Post.
Lancée à grands renforts de promotion comme une suite fidèle à l’esprit de la série culte des années 80, les Cités d’Or 2 ont visiblement fort déçu les fans de la première heure, dont une partie hurle même à la trahison. Remaniée afin de séduire un public plus jeune, la série aurait été infantilisée et aseptisée à l’extrême :
[…] les droits des musiques d’origine (jugées démodées) n’ont pas été rachetés. Les scénaristes japonais et les voix d’origine, comme celle de Jackie Berger (Esteban), ont été mis au placard. Le graphisme a été changé et les personnages, passés à la moulinette 3D, ont maintenant des visages froids, déformés et cireux.
Le caractère de certains héros a été modifié. Zia, réservée et douce, est désormais une fille libérée. Tao, habitué à cacher ses sentiments, pleure dès le premier épisode. La mise en scène a été changée. Américanisée, elle accumule maintenant les clichés hollywoodiens vus et revus : Mendoza saute comme Tom Cruise dans Mission Impossible, les ralentis à la Matrixfusent, le méchant ressemble à Dark Vador…
TF1 et le studio Blue Spirit, en charge de la production de cette suite, ont donc manifestement réussi, par un tour de force alchimique à l’envers, à transformer l’or en plomb en massacrant sur l’autel du formatage un classique du petit écran.
Devant cette dénaturation de l’esprit original de l’oeuvre, les fans se sont mobilisés, déjà pendant la production, par le biais d’une pétition pour que les voix des personnages principaux ne soient pas modifiées, comme le souhaitait TF1. Mais les choses vont à présent plus loin, car une nouvelle pétition a été lancée en juillet sur Facebook pour demander aux créateurs japonais de la série (Mitsuru Kaneko, Mitsuru Majima et Soji Yoshikawa) de reprendre purement et simplement leurs droits, afin de mettre fin au saccage.
Appel aux créateurs japonais de la série.
Si on traduit en termes juridiques ce qui est en train de se produire, on a bien là un public qui demande à des auteurs de faire usage de leur droit moral sur l’oeuvre pour mettre fin à une dénaturation, ce qui bouleverse quelque peu le schéma habituel.
Car en effet, le droit postule que l’auteur est toujours le mieux placé pour défendre sa création. Les juges accordent même en France à l’auteur une sorte de « droit absolu » à juger ce qui constitue ou non une atteinte à son oeuvre, sans avoir à prouver un quelconque préjudice. Or, on voit ici que les choses sont plus complexes et qu’une communauté active de fans peut s’avérer un gardien plus intègre et plus sûrde l’esprit d’une oeuvre…
Cet exemple des Mystérieuses Cités d’Or n’est pas isolé et on peut citer d’autres cas célèbres où des créateurs se sont retrouvés pris à partie par leurs fans, les accusant d’avoir dénaturé leur oeuvre.
L’exemple le plus fameux est celui du conflit qui oppose depuis de nombreuses années Georges Lucas à la communauté des fans de Star Wars. Que ce soit à propos des modifications introduites par le réalisateur dans les rééditions en BlueRay de la première Trilogie ou carrément à propos de l’esprit tout entier de la nouvelle Trilogie, les fans se sont mobilisés contre ce qu’ils estiment être une trahison mercantile de l’oeuvre originale. Le reportage The People vs Georges Lucas paru en 2010 retrace les manifestations de ce véritable phénomène social, qui marque une étape dans l’émergence d’une culture participative caractéristique des mutations introduites par Internet.
Alexis Hyaumet, dans un article excellent (« Georges Lucas vs Star Wars« ) publié sur la plateforme Culture Visuelle, allait même jusqu’à se demander à qui finalement appartenait aujourd’hui Star Wars en tant qu’oeuvre, et il est certain que le récent rachat de la franchise par Disney ne fera qu’exacerber ces crispations :
À qui appartient Star Wars ? Qui en est aujourd’hui légitime après que son maître ait été désavoué par ses disciples les plus fidèles. […] Du fait de son histoire particulière et de son impact culturel mondial qui n’est plus à démontrer, Star Wars est un objet cinématographique hors normes et hors du commun. Victime de son succès, il appartient désormais au plus grand nombre, “il appartient au public” car il fait partie de son histoire culturelle, comme le soulignait Lucas face au Congrès en 1988. Le possessif créateur doit répondre à la demande du peuple qui réclame son œuvre avec une ferveur et un amour sans pareil. Preuve de cela, la quantité incroyable de fan films, de parodies et de montages alternatifs rebelles qui font dissidence, pour montrer à l’inflexible George Lucas d’aujourd’hui que son empire implacable a perdu toute légitimité sur l’univers Star Wars. Il serait temps pour le roi George de reconnaître, d’écouter et de respecter à leur juste valeur tous ses sujets, qui ont entretenu toutes ces années cette mythologie contemporaine, en répondant favorablement à leurs requêtes les plus essentielles. Quoi qu’il en soit, les fans se mobiliseront encore et toujours pour sauver ce qu’était Star Wars à l’origine, afin d’éviter que son propre créateur n’en devienne un jour son fossoyeur.
Un autre exemple significatif, sans doute moins connu que celui de Star Wars, concerne la série anime japonaise Neon Genesis Evangelion. Mettant en scène des combats de robots géants contre des monstres extraterrestres sur un fond d’intrigues mystiques particulièrement complexes, cette série souleva un violent mouvement de protestation chez ses fans, lorsque le réalisateur Hideaki Anno choisit de la faire se terminer en queue de poisson par un épisode complètement en porte-à-faux avec le reste, n’apportant pas les réponses auxquels le public s’attendait. Sous la pression des fans (qui alla jusqu’à des menaces de mort…), le studio Gainax obligea le réalisateur à produire une nouvelle fin sous la forme d’un film d’animation intitulé « The End of Evangelion« . Mais ce dernier est encore profondément imprégné du conflit entre le public et le créateur, car Hideaki Anno s’y livre à un véritable jeu de massacre de ses personnages et des lieux de l’action de la série, comme une sorte de vengeance s’exprimant dans une débauche de violence rageuse…
Plus proche de nous, on peut dire que le fameux épisode 9 de la saison 3 de Game Of Thrones a aussi failli tourner à l’affrontement sanglant entre le créateur, Georges R.R. Martin, et ses fans. En faisant mourir trois des personnages principaux de la saga de manière particulièrement brutale, l’auteur a causé un véritable choc à une partie des spectateurs (alors que l’histoire était pourtant identique dans les romans dont est tirée la série).
Georges R.R. Martin assume entièrement ce choix, qui relève selon lui pleinement de sa liberté de créateur. Mais on a vu des articles fleurir des articles sur la Toile se demandant si l’auteur avait le droit de faire mourir ainsi les personnages… Quelque chose est graduellement en train de changer et Internet n’est pas étranger à cette évolution.
Il existe déjà une théorie de l’abus de droit moral que les juges peuvent opposer à des descendants d’auteurs, mais c’est comme si la conscience collective considérait que cette doctrine pouvait être appliquée aux créateurs eux-mêmes aujourd’hui.
Ces exemples montrent que la question du droit moral sur l’oeuvre est aujourd’hui bouleversée et que ce fleuron du droit d’auteur à la française ne peut sans doute plus être pensé de la même manière aujourd’hui qu’au siècle dernier.
Il est certain que le numérique et Internet, en mettant le public en situation d’interagir de manière de plus en plus active avec l’oeuvre et son créateur, ont contribué à redéfinir l’équilibre. La formation de communautés de fans en ligne leur donne un sentiment de légitimité dans la défense de l’intégrité de l’oeuvre, y compris parfois contre les titulaires de droits eux-mêmes.
Avec des phénomènes comme le crowdfunding, où le public est directement sollicité pour participer au financement de la création, nul doute que ce sentiment d’ »avoir des droits » sur l’oeuvre ne pourra que se renforcer et qu’il deviendra de plus en plus difficile d’y résister. Sachant par ailleurs que le public a aussi la possibilité par le remix, le mashup ou les fanfictions, de se réapproprier les oeuvres, fût-ce dans l’illégalité, pour les « forker » contre la volonté de leurs auteurs…
Mais en fin de compte, est-ce que ce sentiment de propriété du public sur les oeuvres constitue vraiment une « anomalie » ? Ou n’est-ce pas plutôt la conception romantique d’un auteur tout-puissant, bénéficiant d’un droit absolu sur son oeuvre, qui n’était qu’une parenthèse historique en train de se refermer ? Voyez ce que disait Lechapelier en 1791, auteur de la première loi en France sur le droit d’auteur :
La plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable, et, si je puis parler ainsi, la plus personnelle de toutes les propriétés, est l’ouvrage fruit de la pensée d’un écrivain ; c’est une propriété d’un genre tout différent des autres propriétés. Lorsqu’un auteur fait imprimer un ouvrage ou représenter une pièce, il les livre au public, qui s’en empare quand ils sont bons, qui les lit, qui les apprend, qui les répète, qui s’en pénètre et qui en fait sa propriété.
On répète toujours la première partie de cette citation, en oubliant la seconde, mais il est évident qu’Internet a donné au public les moyens de faire des oeuvres sa propriété. Et lorsque l’on regarde concrètement la manière dont les choses se passent, cette dialectique est une bonne chose, car le public s’avère parfois un meilleur défenseur du droit moral sur les oeuvres que les titulaires de droits eux-mêmes.
PS : si vous connaissez d’autres cas emblématiques de conflits entre des créateurs et leur public à propos de l’intégrité de l’oeuvre, merci d’avance de les indiquer en commentaire ! Cela m’intéresse beaucoup !
Arya est la dernière de sa lignée qui dispose d’un code génétique lui permettant de survivre à des sauts spatio-temporels.
Vous l’aurez compris, Arya peut se téléporter… Du coup, son job est d’explorer de nouvelles planètes afin de découvrir de nouvelles civilisations. Mais Arya est aussi à la recherche de quelque chose d’autre…
Quelque chose qui lui permettra de comprendre qui elle est et d’où elle vient.
>>> Source sur : http://korben.info/beyond.html